Les péripéties de la loi « Création et Internet » Partie 1
La censure du Conseil Constitutionnel a fait mouche…
UN RECOURS TRÈS ATTENDU PAR LES INTERNAUTES
Le projet de loi Création et Internet prend sa racine en 2006 avec la loi DADVSI. En effet, la loi DADVSI prévoyait initialement un système de « Riposte Graduée », qui sanctionnait in fine les internautes se vouant à des pratiques de contrefaçon numérique, par des peines moins sévères que celles prévues par le délit de contrefaçon, à savoir jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende. Mais déjà en 2006, le Conseil Constitutionnel avait très vite coupé court à cette riposte graduée, au motif qu’elle ne respectait pas le principe d’égalité devant la loi pénale. Elle faisait de la contrefaçon sur Internet un cas particulier, par rapport aux autres types de contrefaçon, par l’application de sanctions différenciées. En effet, un même délit, celui de la contrefaçon, se voyait ainsi sanctionné différemment, selon qu’il s’agissait de téléchargement illégal sur les réseaux P2P ou d’une contrefaçon de manière générale. Le délit de contrefaçon étant défini selon l’article L335-3 du Code de la Propriété intellectuelle comme « toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur ». Les sages avaient alors pris la décision de censurer ce système de réponse graduée au sens de l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, précisant que « La loi est l’expression de la volonté générale. […] Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». La loi DADVSI avait donc été adoptée mais sans la disposition introduisant la riposte graduée.
La loi « Création et Internet » est donc née des leçons tirées du passé par le gouvernement, qui a choisi de s’engager dans une toute autre voie pour faire adopter le système de « Riposte Graduée ». Ainsi, pour contourner l’obstacle des sanctions différenciées pour un même délit, la loi « Création et Internet » sanctionne non plus le téléchargement illégal, mais le défaut de sécurisation de l’accès à Internet.
Si ce choix permettait en théorie au gouvernement d’échapper à une nouvelle censure du Conseil Constitutionnel, il l’exposait en revanche à d’autres points de censure. En effet, le 19 mai 2009, juste après l’adoption de la loi, plus de 60 députés majoritairement socialistes (dont M. Patrick Bloche, M. Didier Mathus, Mme Sandrine Mazetier, M. Christian Paul, M. Jean Pierre Brard, Mme Martine Billard, M. Noël Mamère…) ont déposé un recours de 31 pages, en particulier sur les articles 5, 10 et 11 de la loi « Création et Internet », auprès du Conseil Constitutionnel. Ce rapport, publié en exclusivité sur le site de PcINpact présentait 11 points d’inconstitutionnalité:
« […]
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Des mesures législatives manifestement inappropriées à l’objectif poursuivi par le législateur ;
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Une conciliation manifestement déséquilibrée entre la protection des droits d’auteurs et la protection de la vie privée ;
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La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ;
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Le caractère flou et imprécis du manquement institué par la loi ;
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Une sanction manifestement disproportionnée ;
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Une telle sanction ne peut être prononcée que par l’autorité judiciaire ;
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Les compétences et les pouvoirs exorbitants reconnus à la HADOPI ;
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Une atteinte caractérisée au principe du respect des droits de la défense et au droit à un recours effectif ;
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L’instauration d’une présomption de culpabilité. L’immutabilité des actes de téléchargement et l’atteinte caractérisée au principe de personnalité des délits et des peines ;
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L’article 10 viole le principe de proportionnalité et porte atteinte à la liberté d’expression. »
[…] ».
Ce recours était donc très attendu par toutes les parties. Du côté des opposants à la HADOPI, il représentait leur dernière chance d’empêcher l’application de cette loi avant d’éventuelles actions contre la France devant la Cour de Justice des Communautés Européennes. De l’autre côté, les pro-HADOPI, gardant fraîchement en mémoire la dernière censure des Sages, attendaient par dessus tout l’aval du Conseil Constitutionnel pour mettre en œuvre la « Riposte Graduée ».
LA LOI CRÉATION ET INTERNET VIDÉE DE SA SUBSTANCE PAR LA DÉCISION DES SAGES
Le 10 juin 2009, le Conseil Constitutionnel mettait fin au suspens insoutenable et rendait son verdict. Les rumeurs parlaient d’un avis exceptionnellement long, pourtant le rapport se contente de 14 pages lapidaires mais précises. Quelle décision les sages ont-ils prise ? Le Conseil Constitutionnel a censuré le principe de riposte graduée et en particulier la sanction administrative, sanction qui ne pourrait être prononcée que par le juge judiciaire, reconnaissant dès lors Internet comme un moyen nécessaire à l’exercice de la liberté d’accès aux services de communication en ligne. En revanche, il a approuvé le principe des avertissements envoyés aux internautes par la HADOPI.
Sur la procédure d’examen de la loi
Les parlementaires soutenaient dans leur recours que la procédure d’adoption de la loi était irrégulière. A travers le 1er point d’inconstitutionnalité portant sur « Le défaut d’information des parlementaires et l’atteinte au principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires », l’opposition reprochait au gouvernement de ne pas avoir fournis les éléments objectifs d’informations nécessaires pour des débats « clairs et sincères ». Toutefois, les sages du Conseil ont estimés que les parlementaires avaient disposé d’éléments d’information suffisants pour l’examen de la loi.
Sur les articles 5 et 11 de la loi, organisant la riposte graduée
Le Conseil Constitutionnel a jugé que plusieurs dispositions des articles 5 et 11 de la loi « Création et Internet » n’étaient pas conformes à la Constitution. Toutefois, concernant le point 5 d’inconstitutionnalité, à savoir le caractère flou et imprécis de l’obligation de surveillance de l’accès à Internet, les sages ont jugé que, contrairement à ce qu’affirmaient les requérants, la définition de cette obligation était assez claire et précise.
Les sages ont également considéré au regard du point 4, que le législateur n’avait pas méconnu sa compétence, issue de l’article 34 de la Constitution, ni l’objectif de valeur Constitutionnel d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi. Aussi, le Conseil Constitutionnel n’a pas censuré le renvoi à des décrets en Conseil d’État ni la labellisation du « caractère légal » des offres, considérant que ce label a pour seul objet de « favoriser l’identification, par le public, d’offres de services respectant les droits de la propriété intellectuelle ». Il n’a pas non plus censuré le renvoi à un décret pour la labellisation des moyens de sécurisation de l’accès à Internet, puisqu’il « revient au pouvoir réglementaire de définir les conditions dans lesquelles ce label sera délivré » afin de « favoriser l’utilisation des moyens de sécurisation dont la mise en œuvre permet d’assurer la surveillance d’un accès à Internet conformément aux prescriptions de l’article L. 336-3 ».
Concernant l’atteinte à la liberté d’expression par la coupure de la connexion à Internet, soulevée dans le 11ème point d’inconstitutionnalité du rapport, le Conseil s’est appuyé sur l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, qui dispose que « La libre communication des pensées et des opinions est l’un des droits les plus précieux de l’homme […] ». Les sages considèrent que la liberté d’expression et de communication recouvre la liberté d’accéder aux services de communication au public en ligne dont l’exercice est rendu possible par l’accès à Internet. Ils reconnaissent ainsi le développement de ce mode de communication ainsi que l’importance qu’il a pris dans la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions. D’autre part le Conseil a rappelé que le droit à la propriété, garanti par les articles 2 et 17 de la déclaration de 1789 comprenait également le droit à la propriété intellectuelle. Or, la lutte face à la contrefaçon sur Internet répondant à un objectif de sauvegarde de cette propriété, le gouvernement peut donc édicter des règles pour protéger cette propriété sur Internet, mais à condition de concilier cet objectif avec l’exercice du droit de libre communication. Par conséquent, les atteintes portées à la liberté d’expression, aussi précieuse soit-elle, doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi.
Pour ces raisons, les sages ont censuré le pouvoir de sanction de la HADOPI, y compris l’injonction faite à l’abonné de prendre des mesures de nature à éviter le renouvellement du manquement. En effet, le Conseil Constitutionnel a indiqué qu’il ne pouvait être confié à la Haute Autorité administrative un pouvoir l’autorisant à « restreindre ou à empêcher l’accès à Internet de titulaires d’abonnement ainsi que des personnes qu’ils en font bénéficier ». Les sages ont donc considéré que seul le juge pouvait suspendre l’accès à Internet et que les pouvoirs de la Haute Autorité ne pouvaient pas « restreindre l’exercice, par toute personne, de son droit de s’exprimer et de communiquer librement, notamment depuis son domicile ». Ils sont ainsi venus confirmer les 3 points d’inconstitutionnalité concernant la sanction, soulevés dans le rapport par l’opposition, à savoir, « Une sanction manifestement disproportionnée », « Une telle sanction ne peut-être prononcée que par l’autorité judiciaire » ainsi que « Les compétences et les pouvoirs exorbitants reconnus la HADOPI ».
Au niveau du point d’inconstitutionnalité n° 10, le Conseil a censuré la présomption de culpabilité instaurée par le renversement de la charge de la preuve dans la loi « Création et Internet », à l’encontre du propriétaire de l’abonnement à Internet. En effet, l’adresse IP de l’abonné constituait la matérialité des manquements à l’obligation de sécurisation de la ligne et il lui incombait de « produire les éléments de nature à établir que l’atteinte portée au droit d’auteur ou aux droits voisins procède de la fraude d’un tiers ». Aussi, les sages se sont appuyés sur l’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 en vertu duquel « tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable ».
En ce qui concerne la conciliation « déséquilibrée entre la protection des droits d’auteurs et la protection de la vie privée », évoqué dans le point 9 du rapport, le Conseil Constitutionnel autorise le traitement des données à caractère personnel relatives à des infractions par la HADOPI. Mais les sages ont prévenu néanmoins que la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) devra s’assurer que les modalités de la mise en œuvre de ce traitement seront proportionnelles à l’objectif recherché, à savoir la sauvegarde des droits de propriété intellectuelle. Il sera par conséquent nécessaire, aux organismes professionnels et sociétés privées collectant les données, de formuler une nouvelle demande d’autorisation auprès de la CNIL pour effectuer ces traitements.
Il faut également noter, dans l’examen de ces deux articles, que le Conseil a reconnu le bienfondé d’une riposte graduée. Il approuve le volet pédagogique en amont d’une procédure judiciaire, qui est justifié par « l’ampleur des contrefaçons commises au moyen d’internet » et par « l’utilité, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de limiter le nombre d’infractions dont l’autorité judiciaire sera saisie ». D’ailleurs, Christine Albanel, ministre de la culture, s’est félicitée de cette approbation.
Il est important de remarquer que les sages ont beaucoup insisté sur le rééquilibrage entre les droits de propriété intellectuelle et les droits attachés à la liberté d’expression et de communication. Tout laisse à penser qu’à travers cet attachement à ce principe, le Conseil Constitutionnel souhaiterait envoyer un message pour les futurs projets de loi sur l’Internet (comme la loi LOPSI).
Sur l’article 10, prévoyant les mesures judiciaires contre les FAI et les hébergeurs
Le Conseil Constitutionnel n’a pas considéré l’article 10 comme contraire à la Constitution, sous quelques conditions cependant. Le Conseil autorise le Tribunal de Grande Instance à ordonner des mesures « nécessaires pour prévenir ou faire cesser une atteinte » aux droits d’auteur. Mais il soulève deux grandes réserves face à ce filtrage. En effet, une mesure ne pourra être prise qu’après une procédure contradictoire et devra être strictement nécessaire à la préservation des droits en cause. Cette formulation est bien plus précise que celle d’origine qui permettait simplement au TGI (Tribunal de Grande Instance) d’ordonner aux FAI ou hébergeurs de prendre toutes mesures pour cesser une contrefaçon. De plus le Conseil a donné aux ayants droit la capacité de contester la demande du tribunal.
ET APRÈS, QUEL AVENIR POUR LA LOI « CRÉATION ET INTERNET » ?
La réponse du gouvernement
Le Conseil Constitutionnel censure en grande partie les articles 5 et 11 de la loi Création et internet. Même si la loi peut encore être appliquée, elle est en revanche complètement vidée de sa substance à l’exception du volet pédagogique. En l’état actuel des choses, la HADOPI est réduite principalement à l’envoi d’avertissements aux internautes. La coupure de la connexion à Internet sera donc confier au juge judiciaire. Aussi, le gouvernement pouvait soit promulguer la loi en prenant des dispositions stipulant que les sanctions dépendent du juge, soit demander une nouvelle délibération au parlement. Christine Albanel, ministre de la culture, a indiqué que le gouvernement avait choisi la promulgation et la mise en place de la HADOPI en premier lieu, après quoi il reviendra devant le parlement pour compléter la loi. La mise en place de la Haute Autorité devrait se faire dans l’urgence pour tenir les délais imposés, d’autant plus qu’un mois après cette promulgation au Journal Officiel, les artistes ont l’obligation de présenter un accord interprofessionnel. La ministre de la culture, Christine Albanel, s’est félicitée du fait que « seul le dernier étage de la loi est invalidé. Le Conseil constitutionnel a voulu faire un sort à part à la liberté de communication. En aucun cas, il ne s’agit d’une remise en cause du texte. La Haute Autorité existe et la riposte graduée est validée ».
Des réactions aussi diverses que tranchées
Quant aux opposants à la loi « Création et Internet » ou à certaines de ses dispositions, inutile de préciser combien leurs espoirs ont été satisfaits. Selon le député Jean Dionis du Séjour du Nouveau Centre, qui était favorable au remplacement de la coupure de la ligne Internet par une sanction pécuniaire, « le travail législatif doit recommencer. On a besoin d’une loi de court terme qui laisse tomber la coupure Internet pour aller vers le système pratique, rustique, de sanction qui est celui de l’amende […] ».
Le député UMP Lionel Tardy, qui était l’un des rares opposant à la loi « Création et Internet » au sein de la majorité a déclaré sur son blog « C’est ce que j’avais dit depuis le début … […] Après deux lois, DADVSI et HADOPI, on en est toujours au même stade : rien n’est réglé ! ». Il ajoute même que si le gouvernement se borne à vouloir couper la connexion à Internet, en confiant à l’autorité judiciaire le soin de prononcer cette sanction, la loi « Création et Internet » sera un texte « mort né, car la sanction finale est inapplicable ». Pour Lionel Tardy, « Le texte est donc complètement vidé de sa substance, car les tribunaux seront bien incapables de prononcer 1000 suspensions d’abonnement par jour, tout en assurant le contradictoire ».
Enfin, l’opposition a tenu à soulever l’inefficacité de la loi pour créer une nouvelle rémunération aux ayants droit, dénonçant un gouvernement qui « au lieu d’inventer les nouveaux modes de rémunération de la création adaptés à la société numérique, a choisi de s’enfermer dans une posture répressive et archaïque ». Plus particulièrement, le député PS Patrick Bloche, fervent opposant à la loi depuis le début de son examen, a rappelé ce que lui et son groupe avait toujours prévu : « Nous l’avons dit tout au long des dizaines d’heures qu’a duré le débat parlementaire : c’était un texte perdant-perdant, perdant pour les internautes, perdant pour les artistes ». Bref, un « pari perdu d’avance », comme l’avait annoncé le député lors du colloque au mois de janvier intitulé « Monde culturel et Internet : vers une réconciliation ? ».
De nouvelles dispositions pour la procédure judiciaire
Pour se conformer à la décision des sages, tout en accélérant les procédures judiciaires, généralement longues, la ministre a annoncé la création de juridictions spéciales pour juger les internautes, sous la forme de 9 tribunaux de Grande Instance en région. L’union syndicale des magistrats a d’ores et déjà déclaré le projet irréaliste, dans la mesure où ces tribunaux devraient à eux seuls tenir la cadence considérable de 1000 coupures de connexion à Internet par jour. Mais le gouvernement projette également de créer un système d’ordonnance pénale, dans lequel la procédure sera confiée à un juge unique. Pour ce type procédures, la personne poursuivie aura quelques dizaines de jours pour faire opposition si et seulement si elle est condamnée. Dans ce cas, elle aura droit à une véritable audience, mais tout en risquant alors la peine maximale pour l’infraction considérée. Selon Le Point, cette nouveauté, HADOPI 2 pourrait être examinée le lundi 22 juin au Conseil d’Etat et le nouveau projet de loi constitué de 4 à 5 articles maximum devrait être soumis au conseil des ministres du 24 juin.
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Malgré la censure partielle du Conseil Constitutionnel d’environ 10% de la loi « Création et Internet », la ministre de la culture a confirmé la mise en place de la HADOPI dès cet été. Les premiers messages d’avertissements débuteront quant à eux à la rentrée prochaine, en septembre voire en octobre. Madame Christine Albanel a par ailleurs indiqué que lors des futures procédures judiciaires à l’encontre des abonnés à Internet, ils pourraient se voir sanctionner par la coupure de la connexion à Internet ou bien par des amendes, selon les juges judiciaires. Il faudra nécessairement attendre les premiers jugements pour voir l’orientation prise dans ce type de contentieux.
Reste à savoir toutefois si le volet pédagogique de la loi « Création et Internet » sera suffisant et véritablement efficace et dissuasif. En effet, selon une étude menée en Angleterre par le cabinet britannique Wiggin, les internautes ne seraient que 33% à déclarer qu’ils arrêteraient de télécharger illégalement dès réception d’un message d’avertissement sans qu’il n’y ait de sanction à la clé. En revanche, ce chiffre passerait à 80% si le message était suivi d’une menace de sanction comme la coupure d’accès à Internet. Ce deuxième score est très proche du premier sondage effectué en 2008 par le même cabinet, et sur lequel madame la ministre de la culture s’était maintes fois appuyée. En effet, la première étude indiquait que 70% des internautes arrêteraient le téléchargement illégal s’ils étaient passibles de sanctions en cas de récidive.
Ce volet pédagogique pose également la question de la migration des modes de contrefaçon numérique. En effet, se sachant repéré une première fois grâce au message d’avertissement, l’internaute ne sera-t-il pas tenté de changer de méthode et de se diriger vers des moyens de télécharger illégalement plus discrets et anonymes comme le DDL, les newsgroups, voire même les systèmes de cryptage ? D’ailleurs, Ipredator, le réseau VPN crypté de The Pirate Bay a d’ores et déjà été lancé en version Bêta test, moyennant un abonnement mensuel de 5 € par mois…
Il est à supposer également qu’en dépit du fait que les ordonnances pénales soient des procédures simplifiées et rapides, elles encombreront vraisemblablement les tribunaux. Nombre d’internautes n’hésiteront pas à effectuer un recours pour se défendre, en demandant la matérialité des faits comme les détails du fichier présumé contrefait qu’ils auraient téléchargé…
Enfin, la procédure d’ordonnance pénale que souhaite introduire la ministre de la culture représenterait de nombreuses failles d’après certains spécialistes. En effet, selon l’avocat Maître Eolas, les preuves présentées au juge doivent être suffisamment évidentes contre un prévenu dans le cadre d’une ordonnance pénale, comme un excès de vitesse prouvé par un radar par exemple. Or, l’adresse IP ne constitue pas une preuve suffisante de l’identité du téléchargeur, comme le Tribunal de Guingamp l’a d’ailleurs dernièrement explicité. Il paraît dès lors très probable que ces ordonnances se solderont finalement par des enquêtes de police pour prouver la culpabilité du présumé, encombrant alors davantage des services déjà débordés. Et même si il devait y avoir ordonnance pénale, il faut rappeler que cette procédure ne permet pas aux parties civiles, en l’occurrence les ayants droits, les artistes, les auteurs…, de demander des dommages-intérêts pour réparer le préjudice subit. Aucune rémunération supplémentaire donc pour la création… Quant aux adolescents, représentant une forte proportion des internautes contrefacteurs, ils ne seront pas concernés par l’ordonnance pénale puisque celle-ci ne peut s’appliquer aux mineurs. Que restera t-il alors comme marche de manœuvre dissuasive à la HADOPI et à la loi création et Internet ? Une nouvelle loi ?
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